L'eau n'est-elle qu'un milieu transparent, fluide, homogène ?
Elle est aussi tout le contraire ? Un espace de vie trouble et diversifiée, inégalement structuré, profondément hétérogène.
L'eau, intimité du vivant, est un paysage poétique à investir. Sa profondeur et les
sensations qu'elle procure nous incitent à retrouver en nous des étendues
insoupçonnées, souterraines, des brumes et des décors lointains : l'eau des mythes et
des origines, mais aussi celle qui prend part aux grandes transformations et à l'évolution
du monde terrestre.
Telle est l'idée de départ : non pas l'eau dans toute sa pureté, mais l'eau comme monde
complexe et ample, ouvert, relié d'emblée à nos perceptions humaines singulières.
Monde à part, dont la présence s'empare immédiatement de celui qui la contemple.
Un caisson lumineux de deux mètres trente de côté constitue le support principal et
porte à hauteur de table un ensemble plan mais irrégulier, fait de textures translucides
inégales. Une double peau, composée d'une résine diffusante et d'une membrane de
silicone, donne à voir une surface en jouant sur son ambiguïté : elle limite le regard tout
en l'absorbant dans la matière, transparente par endroits mais diaphane et dense en
d'autres.
La luminescence bleutée du dispositif (un éclairage interne qui se mêle naturellement à
la lumière extérieure) invite le regard à parcourir toute une série de marques et
d'événements diffus, comme si un relief apparaissait au cœur même de la surface : des
cavités, des empreintes, des aspérités, etc...
Des effets de contraste viennent accentuer
la variation de la matière : mat et brillant, plein et creux, masse et légèreté, dedans et
dehors.
Le regard, réfléchi ou diffracté selon les densités qu'il rencontre, traverse
plusieurs états de l'eau (solide, liquide, gazeux), hésite, situe des formes sans pouvoir
les détacher du milieu dans lequel elles baignent, là où les espaces et leurs limites se
confondent.
L'eau, le plus souvent considérée comme un élément minéral, inerte, apparaît alors
organique, vivante, ferment d'animalités infimes. Des consistances et des couleurs
différentes se côtoient de façon dynamique, tantôt laiteuses acides, opalescentes, tantôt
limpides ou moirées, structurant un univers proche de celui des micro-organisme ou des
mouvements moléculaires.
L'imaginaire du spectateur est happé par le dispositif, dans une sorte de vertige qui l'emporte et le rend à la mémoire de son propre corps. Il y retrouve une liberté de sentir originelle.
L'imaginaire du spectateur est happé par le dispositif, dans une sorte de vertige qui l'emporte et le rend à la mémoire de son propre corps. Il y retrouve une liberté de sentir originelle.
Installation - Sculpture (c) Yves Bodiou
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